La Crémaillère

Depuis la fin du XVIII° siècle, la clientèle fortunée de Bagnères-de-Luchon avait pour habitude
de se rendre sur le plateau de Superbagnères culminant à 1795 mètres d’altitude.
Le chemin se faisait en deux heures et demi, encadré par les guides à cheval de la compagnie des guides de Luchon.

Deux Dames montant à Superbagnères à pieds | 1900

Là-haut, une petite cabane installée sur la commune de Saint Aventin (Bagnères de Luchon ayant cédé ces terrains en 1583) leur permettait de se restaurer.

L’hiver, ces premiers touristes faisaient du « ski »
dans la ville, sur les pentes de la vallée du Lis, dans le parc des Quinconces ou dans les rues de la ville.

Mais l’envie de profiter de l’enneigement des sommets voisins conduit le président du syndicat d’initiative
de la ville, Monsieur Ludovic Dardenne
(célèbre pharmacien,qui créa le premier chocolat de régimequi connaît toujours un grand succès)
d’étudier le projet de création d’une station d’altitude.

Après bien des questionnements sur le massif
à choisir ; un groupe de promoteurs est parti se documenter en Suisse, notamment au Righi,
et décida alors de construire un grand hôtel avec
une voie ferrée d’accès.

Cabane de l’Entécade | 1890

Première cabane sur le plateau de Superbagnères | 1900

Le premier projet prévoit de créer
un chemin de fer à crémaillère partant du pont de Saint Mamet à Luchon jusqu’à un sommet mythique
de l’époque : L’Entécade. Malheureusement, il ne verra jamais le jour à cause du terrain peu adapté à la pause
d’une voie ferrée.

Malgré tout, les convictions personnelles de ces hommes en avance sur leur temps permirent l’adhésion définitive du conseil municipal pour ce projet.

Ainsi un groupement financier est créé.
En 1907, les promoteurs réussirent à obtenir un bail
de 99 ans avec les communes de Bagnères-de-Luchon,
Saint Aventin et Castillon de Larboust pour l’aménagement de la station avec construction d’une voie de chemin de fer permettant l’accès au plateau de Superbagnères.

Projet d’hôtel dur le plateau de Superbagnères | 1900

C’est donc le projet de chemin de fer
à crémaillère de Luchon à Superbagnères
qui fût retenu.

Ainsi naissait la CFHMP (société des Chemins de Fer
et Hôtels de Montagne aux Pyrénées, abrégée CHM)
dédiée originellement à l’exploitation de Superbagnères.

Arrivée de la locomotive à vapeur, ici devant la boulangerie Pène | 1911

Les travaux de construction de la voie et des infrastructures commencent en 1911.
Ils se terminent un an plus tard, en un temps record pour l’époque avec la construction
de quatre ponts dont un viaduc de 88m de long. Cette construction a été permise grâce
à l’utilisation d’une locomotive à vapeur construite par la SLM au Winterthur en Suisse.

Gare de Luchon en construction | 1911

Dès sa construction, la ligne de chemin de fer a été électrifiée en courant alternatif triphasé 3000 Volts.
Dans un premier temps par la centrale de la Picadère puis par celle de Mousquère après la destruction de la première par l’inondation de 1925.

Entre 1912 et sont réceptionnés les quatre premiers trains composés d’un tracteur électrique, d’une voiture fermée faisant office de première classe et d’une voiture ouverte pour la seconde classe.

Rame à Superbagnères, on voit sur le toit de la machine en tête les quatre archets permettant de capter le courant électrique dans la ligne de contact.
| 1912

Dès l’achèvement du chemin de fer, la construction du Grand-Hôtel de Superbagnères commence.
Le premier hiver de construction (1912-1913) est particulièrement doux ce qui a permis d’avancer grandement les travaux.
Malheureusement le 28 juin 1914 éclate la première guerre mondiale qui entraine l’arrêt de la Crémaillère et par conséquent la construction de l’hôtel.

Le Grand-Hôtel est entièrement ouvert au public en 1922 avec le prolongement de la voie d’environ 50 mètres pour desservir directement ce dernier.

Le Grand-Hôtel en construction. L’aile Maladeta ( à droite)
est déjà occupée et ouverte au public tandis que l’aile Luchon
est en voie d’achèvement. | automne 1921

En 1938, la CHM achète une rame complète
au chemin de fer à crémaillère de la Rhune.

Elle est composée d’un tracteur
quasiment identique à ceux de Luchon hormis qu’il circulait à une vitesse légèrement supérieure et deux
voitures ouvertes.

Rame achetée à la Rhune sur les voies derrière le Grand-Hôtel. | 1947

C’est alors que la seconde guerre mondiale éclate en 1939 et arrête le trafic entre Luchon et Superbagnères.
 
En 1942 peu de temps après l’installation
du régime de Vichy, la circulation reprend
au ralenti. Il faudra attendre 1945 et la fin
de la guerre pour voir un retour à la normale.

Deux rames en attente derrière le Grand-Hôtel | hiver 1950

L’hiver 1954, a été un des hivers les plus froids jamais recensé avec des chutes de neiges abondantes
sur les Pyrénées.

Malheureusement, le 28 février au soir, un train déraille à l’évitement de Mi-Sahage coutant la vie à neuf personnes.

Suite à cet accident, le seul en 54 ans d’exploitation, des mesures de sécurité supplémentaires ont été appliquées

Évitement de Mi-Sahage. | mars 1954

avec notamment l’installation de sonnettes sur les plateformes de serre frein et la condamnation des aiguillages par clefs.

C’est alors qu’en 1959, l’ingénieur et directeur général de la CHM, Monsieur Albert Nérou dessine des plans
de modernisation du matériel roulant et commande à la Brown Boveri semblable à celui du Tramway du Mont-Blanc à Chamonix. Mais cette commande fût annulée peu de temps après.

Voitures arrêtées entre Mi-Sahage et la Soulan
Le ferraillage a commencé.
Collection LEYMARIE | 1er mars 1954

En 1960, la route reliant Luchon
à Superbagnères est inaugurée faisant baisser conséquemment la fréquentation
de la crémaillère en été alors qu’elle augmente en hiver.
Mais la popularité de la crémaillère chute.

Cette baisse de fréquentation conjuguée
au manque de volonté de conserver ce chemin de fer par
la CFHMP fait qu’il est décidé
par ses dirigent de suspendre le trafic voyageur
le 18 Janvier 1966 et de fermer définitivement la ligne
le 14 Décembre de la même année.

Le personnel est alors mis en retraite anticipée pour les plus âgés ou transféré aux remontées

Route de Superbagnères | été 1960

mécaniques de Superbagnères.
Néanmoins, le conducteur électricien
André Leymarie et son aide conducteur
M. Tiné ont entretenu le matériel roulant jusqu’au transfert d’une grande partie de ce dernier à la Rhune le 11 avril 1972 où il est arrivé en excellent état.

En 1982, est opéré par une société privée
la destruction de la gare au 28 allées d’Etigny.

Ainsi s’achève l’Histoire d’un train et scelle
à tout jamais le mince espoir qu’avais tous les Luchonnais d’entendre à nouveau
la trompe d’un train arrivant au virage
de la Soulan raisonner encore dans la vallée.

André Leymarie (à gauche) et Jean Laurens (à droite)
Lors de la dernière manœuvre de la Crémaillère en gare de Luchon
Collection LEYMARIE | 11 avril 1972

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